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L'ART I STE

62" ANNÉE 1892

NOUVELLE PÉRIODE IV

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L'ART I STE

62* ANNÉE 1892

NOUVELLE PÉRIODE IV

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TYPOGRAPHIE

EDMOND MONNOYER

LE MANS (Sarthe)

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L'ARTISTE

%EVUE 'DE ^04%! S

HISTOIRE DE L'ART CONTEMPORAIN

SOIXANTE-DEUXIÈME ANNEE

NOUVELLE PERIODE TOME IV

PARIS L'ARTISTE REVUE DE PARIS

44, QUAI DES ORFÈVRES

1892 r

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LA SCULPTURE

AU SALON DU CHAMP-DE-MARS

N critique distingué, M. Roger- Miles, écrivait récemment que des deux influences, mères de la sculpture française, Tune, latine et païenne, régnait aux Champs- Elysées, l'autre, chrétienne et septentrionale , dominait au Champ-de-Mars. Il y a du vrai dans ce sentiment. L'élite des artistes peintres et sculpteurs, qui exposent au Champ-de-Mars, représente, en quelque sorte, un parti avancé. Et les avant-gardes artistiques, bien souvent, inscrivent à leur programme le retour à une tradition oubliée. Le progrès n'est pas toujours devant nous, il est derrière, quelquefois. Puis, en sculpture comme en peinture, la faculté, offerte aux artistes du Champ-de-Mars, de faire un nombre 1892 —l'artiste —nouvelle période : t. IV i

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L'ARTISTE

illimité d'envois contribue, en quelque mesure, à développer en eux- mêmes leur personnalité propre et celle de leur race.

Pour s'imposer à l'attention du public et acquérir auprès des Jurys la bonne renommée d'un travailleur, il fallait, jusqu'ici, traiter des sujets considérables par leurs dimensions. Or, les grandes dimensions d'une œuvre plastique me paraissent faire obstacle au facile développement de l'originalité des artistes et à la rénovation des formules d'art. L'inspiration qui peut soulever un grand sujet ne se rencontre pas communément; et quand elle doit, par ordre, s'exercer, fonctionner deux fois l'an, il y a chance qu'elle soit factice. C'est pourquoi, dans l'exécution d'un grand ensemble, l'artiste sent le besoin de s'étayer sur lesjraditions ou les conventions, sur- tout à l'heure des débuts. Et, c'est précisément à cette heure, il faut percer à tout prix, que la nécessité d'exposer de grands morceaux est la plus pressante... La multiplicité des envois, au contraire, permet à l'artiste de suivre le mouvement de sa pensée, défaire ce qui vient. Alors, entre son œuvre, sa vie et ses idées d'art, s'établit cette communion d'où naît la véritable originalité.

Les envois de M. Constantin Meunier semblent symboliser cette harmonie. Ils atteignent au style, c'est-à-dire à l'éternelle vérité du type, à la souveraine élégance de la ligne. Et cependant ils sont bien d'aujourd'hui. Le caractère de cet art est-il dans l'expression du vi- sage ou dans la forme des corps ? Dans les deux, assurément : les traits de la face, cette disposition des yeux, cette direction du regard, ce dessin de l'ovale, cette coupe de la bouche, tous ces éléments d'ex- pression entrèrent dans les yeux du sculpteur par une vision directe : celle des ouvriers qui se rendent au charbonnage ou des paysans qui retournent leur champ. Et dans la manière de traiter les corps, dans cette maigreur particulière et nerveuse, dans l'angle que font les épaules surhaussées, il y a un caractère de modernité tout à fait spécial. Toutefois la disposition des gestes, sans être convention- nelle, obéit à certaines lois de rythme, immuables, et l'œuvre en reçoit, sinon la marque de l'antique, du moins l'aptitude à le de- venir. Il y a sur elle comme un signe d'éternité.

Ulndustrie^ haut-relief, a la valeur des grandes œuvres de Millet, car elle symbolise en une effigie toute une condition de travailleurs.

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LA SCULPTURE AU SALON DU CHAMP-DE-MARS 3

Un homme et une femme se détachent de profil, le bras étendu. Le visage de Thomme exprime, avec une bravoure résignée, l'énergie auguste de Teffort; celui de la femme est virilisé à dessein, comme son bras les muscles font saillie ; et de sa bouche entr'ouverte il semble qu'une clameur s'échappe, douloureuse, cri de révolte contre un état social l'exercice de l'industrie a pris la forme la plus effroya- ble qu'ait jamais revêtue l'oppression humaine, écrasant même l'en- fant et la femme. M. Constantin Meunier a compris mieux que per- sonne cette actuelle servitude de l'argent, plus cruelle que l'antique esclavage de la glèbe. Et pourtant celui-là comme l'autre lui a été révélé par son cœur merveilleux d'artiste. La GVebe^ un haut-relief de bronze d'une poésie puissante, en rend témoignage. Les deux hommes, demi-nus, attelés à un primitif araire, et qui se déta- chent sur le fond sombre du bronze, évoquent la vision de ces travailleurs obstinés à la peine, qui se découpent à l'horizon, diminués par la distance, sur le noir de la nuit qui tombe.

U Enfant prodigue et Ecce homo mériteraient de nous arrêter long- temps. Outre que le sentiment en est intense et profond, ces deux œuvres sont peut-être celles M. Constantin Meunier a déployé avec le plus de maîtrise son métier de sculpteur. Mais sur cette maî- trise nous n'insisterons pas. Il ressort clairement du très grand effet produit par cet art que l'artiste est un incomparable dompteur de la matière. Passons à un autre maître, M. Jean Carriès.

La vieille tradition de la sculpture française se renoue par l'œuvre de Carriès, plus visiblement que par celle de Constantin Meunier. Carriès est français, tandis que M. Meunier est belge. Toutefois il n'y aurait point de raison suffisante : car les traditions qui firent la gloire de l'architecture et de la sculpture flamandes sont liées à celles qui guidèrent la main des maîtres sculpteurs de nos cathé- drales, ou qui présidèrent à l'efflorescence de l'art dans le duché de Bourgogne. Ce retour à la tradition, dans l'œuvre de Carriès, est rendu plus sensible par ce fait que ses modèles sont pour la plupart des gens du peuple, des paysans d'une province reculée, le type physique de la race n'a pour ainsi dire pas changé depuis trois cents ans; et ils diffèrent fort peu en somme de ceux qui posaient pour les artistes du xv** siècle. Ce n'est point, comme chez M. Constantin Meunier, ces figures modernes, le relief des muscles et de la chair

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L'ARTISTE

s'est atténué, comme si l'humanité en marche vers la mort s'allégeait de sa chair. C'est, avec ses accompagnements de replis et de rides, le jeu puissant, large et gai, dans une face bien pleine, des sou- rires et des grimaces, la fantaisie des bouches ouvertes jusqu'aux oreilles, des nez qui s'épatent, des yeux qui s'écarquillent, des joues qui se gonflent : une fantaisie qui certes aujourd'hui serait macabre; mais, dans les visages d'autrefois, elle dit simplement l'exubérance et la gaieté de la vie robuste.

Il serait intéressant d'étudier cette transformation mystérieuse de la race humaine, sensible particulièrement dans les hautes classes sociales et dans celle des ouvriers de grandes villes. On trouverait, que rhomme du peuple d'aujourd'hui, quand la race est saine et belle, reproduit avec fidélité un certain type aboli d'aristocratie guerrière. La tête du Philippe de Valois qui dort dans les galeries du Louvre présente un type assez fréquent dans le peuple de Paris et de l'Ile-de-France. Mais ce serait nous laisser entraîner bien loin que de rechercher ces lois subtiles de la dégénérescence ou du progrès de la race, à propos des bronzes de M. Carrî'ès. Disons seulement que les ponraits de Frans Hais et de Velasquez, le Buste de fetnmey VEpave^ sont merveilleux de vie et de caractère. Et passons. Carriès nous intéresse plus vivement encore par la porte dont il expose les principaux motifs de décoration.

Au sommet, sous un arc ogival, dominera cette délicieuse figure de femme, que les visiteurs du Champ-de-Mars ont familièrement appe- lée la «petite femme romantique», longue, fine, vivante fleur féodale. Le long des montants et aux angles, des carreaux de grès, de grima- çants visages d'hommes ou des représentations fantastiques d'ani- maux. On ne peut dès à présent prévoir l'effet de l'ensemble, mais le détail donne suffisamment à admirer et à méditer. La coloration du grès, car tout cela est du grès, est fort heureusement nuancée; une longue et géniale patience de vingt ans a livré à Carriès toutes les plus merveilleuses recettes de la céramique. Et visages d'hommes et mufles de bêtes, avec simplicité et clarté laissent voir que le sculpteur, malgré son originalité absolue, descend des sublimes tail- leurs de pierre de nos cathédrales.

Les motifs ne sont pas extrêmement nombreux : on s'aperçoit bien vite que deux ou trois figures d'hommes ou d'animaux ont fourni le

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LA SCULPTURE AU SALON DU CHAMP-DE-MARS 5

type primitif. Le procédé est celui des grands maîtres des arts plasti- ques. En une large esquis3e, Tartiste a saisi le caractère qu'il exalte et transfigure : c'est l'art qui prend sa base dans la nature pour la dépasser. Dans la vierge il dégage Tange, comme des formes norma- les des animaux connus il tire la bête diabolique. Il fait du rêve avec le réel, et non du réel avec le rêve, procédé essentiellement littéraire ou musical, et qui convient mal à la peinture, plus mal encore à la sculpture; en effet, la résistance de la matière et la nécessité de cons- truire l'œuvre en une forme sensible aux yeux exige un point d'appui extérieur. Et c'est peut-être la différence de l'imagination littéraire ou musicale à Timagination plastique ; celle-ci doit toujours s'appli- quer à un objet extérieur, celle-là se meut librement dans le sanc- tuaire intime de l'âme; l'une s'exerce du dehors au dedans, l'autre du dedans au dehors; ici la matière crée l'idée, c'est l'idée qui prend un corps. Tout le secret des grands artistes du moyen âge c'est que, mal- gré l'ardeur d'une imagination vivifiée par la foi, ils tiraient de la na- ture plutôt que d'eux mêmes leurs admirables images. Ce secret est celui de Carriès, et c'est aussi, en un art voisin, celui du grand maître du siècle, Puvis de Chavannes, qui vit un jour surgir la légende de sainte Geneviève dans un décor réel^ parmi la fine et idéale atmosphère de la blanche Ile-de-France, à l'heure courte, ineffable et surnaturelle, le matin descend comme une cendre bleue sur les collines.

M. Dampt est un des artistes les plus maîtres de sa main que nous possédions. La matière lui importe peu : glaise, bois, ivoire, marbre, il a tout traité avec une sûreté égale. Il se plaît même à Tattaque directe du marbre d'après le modèle, supprimant Tintermé- diaire de la maquette et du praticien. Et comme c'est un esprit lettré et une sensibilité inquiète, cette virtuosité, loin de le confiner dans le souci exclusif et excessif de l'exécution,, l'entraîne à chercher dans son art l'expression de sentiments qui lui sont étrangers. Il ne veut pas seulement donner de la vie à la pierre, ni de Pâme, il veut lui donner de l'esprit, j'entends qu'il veut lui faire exprimer non pas uni- quement la beauté des attitudes et des formes vivantes, ou l'intensité des passions, mais encore toutes les nuances de pensées et de senti- ments d'un état d'esprit compliqué. Déjà Fin de rêve^ cette admirable et désolée figure de femme, que M. Dampt exposait il y a deux ans, pouvait 4Qnnçr quelque inquiétude. Çettç année, yrain^eqt sçuj-

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L'ARTISTE

pteur a voulu faire dire trop de choses à sa statue, qui a refusé abandonnant Tartiste, Au seuil du mystère. Car c'est le titre de Tœuvre nouvelle : un ange aux formes équivoques mais belles, arrêté devant une de ces curiosités coupables qui changent les ailes de lumière en ailes de ténèbres. Le mouvement du corps dressé dans Télan de la curiosité est parfait, Tune des mains est une merveille. La figure contemplée à loisir semble venir à vous avec ses grandes ailes, tant le mouvement de ces ailes est naturel et tant le corps s'enlève, léger, sur les pointes. Il y a dans le visage de la crainte et cette ré- solution passionnée et réfléchie, mêlée de volupté et de tristesse, qui est celle du péché. Pourtant l'impression de l'ensemble n'est pas claire : elle demeure à la fois complexe et confuse. A vrai dire, le visage de la Femme inconnue est peut-être plus complexe encore. Mais ce n'est point une œuvre d'imagination, c'est un portrait. Pour tenter un essai de cet ordre, il faut avoir rencontré le modèle.

Nous avons particulièrement insisté sur les noms de M.Constantin Meunier, Carriès et Dampt, parce que ce sont de grands artistes et qu'on peut trouver en eux les plus intéressantes tendances de l'art contemporain, libre et sincère. Il nous paraît que les deux premiers ont absolument trouvé leur voie, l'ancien chemin frayé par les bons compagnons de jadis,et que leurs efforts sauront élargir. Le troisième, cette année du moins, est sorti de sa route ordinaire; et il semble cher- cher encore sur la colline et par la forêt, cette forêt obscure il n'est pas donné à tous de s'égarer, et Dante rencontra Virgile. MM. Constantin Meunier et Carriès ont retrouvé cette simplicité et cette clarté naturelle à l'art français et qui était sienne dès le moyen âge ; et ils obéissent d'instinct aux lois de la plastique, qui veulent que l'inspiration s'exerce du dehors au dedans, pénètre dans l'esprit par la vision. M. Dampt, il s'agit toujours de l'envoi de cette année, cède ou paraît céder à des suggestions littéraires, dont le sculpteur doit se garder plus encore que le peintre. Et les réserves pleines de haute estime que nous avons faites sur son compte, comme les louanges adressées à MM. Constantin Meunier et Carriès, nous semblent entraîner la même conclusion banale peut-être, mais sage. La nécessité de simplifier, de synthétiser, et surtout de cher- cher rinspiration en ouvrant les yeux sur le monde et non pas seule- ment en Içs baissant sur les livres ou sur le cloître intérieur de l'âme.

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LA SCULPTURE AU SALON DU CHAMP-DE-MARS 7

s*îinpose à la sculpture, impérieusement : à ce prix seul elle pourra puiser aux sources de la vie.

Aussi bien, chez plusieurs artistes, il faut louer beaucoup d'eftorts, heureux souvent, vers un art simple, assez proche de la vie et de la nature. Parmi les envois intéressants de M, Richer, deux me semblent particulièrement remarquables : le Terrassier et le Faucheur. Je pré- fère le Terrassier. La solidité de Tattitude, la belle anatomie des muscles et des os, l'harmonie du visage la force et la placidité s'al- lient à la juste expression de l'effort, toutes ces qualités sont de haut mérite. La Sortie du port de Blankenberghe^ un bas-relief en plâtre, de M. Charlier se recommande par le naturel des poses, par la souplesse robuste des corps, par un très grand sens de la simplifica- tion, cet art d'exprimer le tout d'un sujet en en disant l'essentiel. Le Vielleux berrichon de M. Baffierest vivant et'spirituel, mais cette scul- pture-là tourne un peu trop à l'anecdote, h^. Femme couchée àc Saint- Marceaux a l'œil du public, et la critique lui a rendu de grands hon- neurs ; c'est certes un beau morceau de chair, défini par de jolies lignes onduleuses. Toutefois la pudeur de cette jeune dame qui cache d'un geste désespéré son visage, pour exposer agréablement une croupe abondante, donne à sourire. J'aime mieux la Béguine^ d'un tout autre sentiment, une étude d'un grand caractère, obtenue par des moyens très simples. La Prière et la Douleur^ de M. Alphonse Lenoir sont des modèles de sculpture funéraire. Il y a une piété grave et re- cueillie, dans le beau visage plébéien de ces deux femmes. Signalons dans le genre plus gai : une Danseuse de M. Leroux, qui rappelle un peu, un peu trop, certaine petite danseuse romaine qui loge aux vitrines du musée du Louvre ; les Épousailles de M. Dalou, médiocres en somme malgré l'habileté de la main; un Printemps gracieux de M. Escoula ; Bonheur^de M. Rambaux, exprimé, pourquoi ? par trois femmes nues qui dansent.

L'exposition de M. Injalbert est digne du nom de l'artiste, son buste d'une République n'est en aucune façon banal. Le buste de Pierre Pujet est charmant d'abandon, de finesse et d'esprit. Èpe après le péché est un bronze d'une souplesse rare ; et la Tête coupée^ un bronze à la cire perdue d'une exquise patine, est une admirable tête héroïque d'amazone ou de jeune demi-dieu. Tous ces envois témoignent d'une bçlle maîtrise. M. Injalbert est, parmi les jeunes maîtres formés par

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L'ARTISTE

renseignement de l'école, un de ceux qui s'en sont le mieux appro- prié les leçons sans s'y laisser trop asservir. De ceux-là aussi est M. Michel Malherbe, l'auteur d'une très remarquable statue, un Ecclésiaste à la belle maigreur énergique et ardente, à l'ample geste prophétique. Une place à part doit être réservée à M. Charpentier, pour des plaquettes de bronze diversement intéressantes et surtout pour un plâtre, Gomorrhe^ une oeuvre macabre, mais de réelle valeur. La maigreur fiévreuse des deux corps enlacés parmi la cendre qui tombe, évoque l'image de ces squelettes aux attitudes violentes, exhumés dans le sable des vieilles arènes romaines.

Les œuvres conformes à la pure tradition classique, telles qu'il en est légion aux Champs-Elysées, n'ont pas été exclues du Champ-de-Mars, mais elles n'y sont point excellemment représen- tées. Nous avons remarqué en passant les envois de M. Hector Lemaire à qui l'on ne peut refuser la palme de la grâce poncive. Le meilleur est Pandore^ malgré l'évidement excessif du marbre, le fuselé déplaisant et fragile des doigts et des bras. Tendresse, Mater- nité^ Rêve d'amour^ avec leurs rondeurs molles, appellent le doux souvenir de M. Bouguereau. Si la fortune de M. Lemaire comme sculpteur fut moindre que celle de M. Bouguereau comme peintre, c'est que la justice n'est point de ce monde. .

Nous n'avons point eu pour préoccupation exclusive, au cours de cette étude, de mesurer, par des exemples, la distance qui sépare la sculpture de la vie moderne. C'est que notre thèse, pour qu'elle soit vraie, ne saurait être poussée jusqu'à la rigueur systématique et abso- lue en une époque de transition comme la nôtre. Puis nous devions surtout décrire les statues qui nous plaisaient, c'est-à-dire les plus proches de la vie moderne et les moins propres à étayer notre théo- rème. Toutefois nous voudrions finir par un aperçu qui nous donne raison.

La sculpture contient ce que l'on pourrait appeler un art civique, qui a pour objet de glorifier dans le marbre ou le bronze les grands citoyens et de décorer les mairies, les préfectures et autres édifices publics. Un tel art devrait, par définition, revêtir une forme essentiellement moderne. Hélas! il n'en est rien, et il nous a simplçmçnt donné, d'après des canons assez qniformes, des Républi-^

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LA SCULPTURE AU SALON DU CHAMP-DE-MARS 9

ques et des Libertés^ sans nombre et le plus souvent sans charme. Ce n'est point que nos édiles tiennent en mépris l'art cher au siècle de Louis XIV auquel il convenait si bien. Tout au contraire, nos con- seillers municipaux, qui ont hérité des princes souverains le devoir d'embellir les cités, à Paris du moins s'occupent fort bien de leur tâche. Les concours institués pour la décoration de l'Hôtel de Ville, en bouleversant le mécanisme ordinaire des commandes, ont eu cet inestimable avantage de rompre avec les préjugés officiels qui bar- raient la route aux talents nouveaux. Il en est résulté cette grandiose décoration murale, inégale, à vrai dire, et disparate, mais qui demeure le monument le plus intéressant et le plus complet de l'histoire de la peinture contemporaine. Si la sculpture n'a point participé à cette heureuse influence, c'est qu'elle était, dans son ensemble, incapable de se renouveler quant à l'idée et quant à la forme. C'est que les sculpteurs, à la liberté préféraient l'antique esclavage ; les formules et les canons de l'école leur suffisaient. La preuve en est, entre mille autres, dans ce groupe d'un maître ouvrier : les Droits de Vhomme^ commandé à M. Icard par la ville de Paris, et exposé au Salon des Champs-Elysées : un vieillard à la longue barbe enseigne à lire dans un grand livre de pierre à un enfant assis à ses côtés. On dirait tout aussi bien Moïse montrant les tables de la loi à un petit Hébreu ou un sophiste grec faisant épeler VIliade à un jeune Hellène, n'était ce titre : les Droits de Vhomme^ inscrit sur les feuillets de pierre. . .

. . . Involontairement je songe à ces primitifs sculpteurs des catacom- bes qui, malgré l'ardeur de leur foi, dominés par la technique, expri- maient leurs idées chrétiennes par des symboles païens ; représen- tant Dieu le père sous les traits de Jupiter^Olympien, donnant à Marie le visage de Vénus, et à l'enfant Jésus les grâces d'Éros. Or, cela n'a pas beaucoup changé depuis, et c'est avec de très anciennes images que l'on exprime les symboles de la moderne démocratie. Mais à s'en plaindre trop amèrement n'y aurait-il pas mauvaise grâce et injustice ? Peut-être la sculpture a-t-elle pour mission de maintenir à travers les âges une certaine unité de la race humaine en faisant longtemps admi- rer aux hommes les mêmes visages de dieux !

CLAUDE RAJON.

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L'ARCHITECTURE

AU SALON DES CHAMPS-ELYSÉES

N composant une restauration de V Acropole archaïque d'Athènes^ M. Charles Normand a eu Ta- vantage et le mérite d'arriver le premier : il prend date parmi les architectes qui voudront tirer parti des fouilles ordonnées par legouvernementgrec,desdécou- vertes récemment publiées par des archéologues de plusieurs nations. M. Normand appelle « Parthénon inconnu » un temple relativement éloigné du Parthénon de Périclès et qui, comme TÉrechthéion, a été bâti sur l'emplacement consacré à Érechthée, au lieu même Minerve et Neptune se dis- putèrent la possession de TAttique, Minerve planta Tolivier, Neptune frappa le roc de son trident. Dans les substructions exhu- mées, on déchiffre aisément deux cellas et deux opisthodomes. Or, rÉrechthéion encore debout a, lui aussi, deux cellas et deux opistho- domes, tandis que le Parthénon n'a qu'une cella et qu'un opistho- dome. On peut donc croire que le temple archaïque appelé par

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L'ARCHITECTURE AU SALON DES CHAMPS-ELYSEES u

M. Normand « Parthénon inconnu » était un Érechthéion Minerve et Pandrose avaient chacune un sanctuaire. Dans Tune des deux cel- las, M. Normand a placé *un escalier conduisant à des tribunes. Cet escalier n'est nullement indiqué par les ruines. S'il avait existé, il aurait conduit directement au faîte du monument, mais non à des tribunes que le culte ne comportait pas. L'entablement intérieur paraît petit ; les trépieds placés sur les acrotères n'ont rien d'anti- que; ce qu'on voit du mur d'enceinte de l'Acropole ressemble à une clôture quelconque. Quoique ses ciels soient trop foncés, M. Normand s'est montré, une fois de plus, coloriste fin et puissant. S'il n'a pas épuisé son sujet, d'ailleurs inépuisable, s'il n'a pas été tout aussi ingénu et hardi qu'il faut l'être pour représenter l'art grec à l'époque archaïque, il a tout au moins fait un beau rêve.

Pendant que les monuments construits pour durer s'écroulaient sous raction du temps et par la barbarie des hommes, les vases funéraires attendaient la résurrection dans les tombeaux ils avaient été ren- fermés. Des vases fragiles ont fourni plus de renseignements sur l'ar- chaïsme que les ruines des édifices. Les cérames archaïques sont très nombreux et diversement décorés ; ils ont été, pour la plupart, repro- duits et commentés en d'excellentes publications. Les fouilles récemment faites sur l'Acropole ont mis au Jour des substructions de temples, des inscriptions, des chapiteaux et d'importants monuments figurés, antérieurs à l'invasion des Perses : le moment est donc tout à fait favorable pour imaginer une restitution de l'Acropole avant cette invasion.

Les œuvres archaïques, produites à des époques heureusement placées entre l'origine et l'apogée d'un art, gardent la sève d'une première poussée, la fraîcheur de la jeunesse; elles ont une singu- lière séduction, une saveur de fruit vert. Elles portent la marque du goût primitif, de celui qu'ont les enfants et qu'a la nature elle-même. Autant et peut-être plus que la forme, la couleur attire les hommes naïfs qu'aucune théorie, aucune convention n'ont encore pu détourner de ce qui a de l'éclat, de ce qui brille, de ce qui est joyeux, animé, vivant, de ce qui est naturellement et sainement beau. Chez tous les peuples jeunes, le développement de l'art se produit de même sorte, les sentiments et les passions sont exprimés de façons analogues. Les dieux et les héros sont représentés sous la forme de colosses. Des

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12 L'ARTISTE

couleurs violentes ornent les objets selon des rites consacrés, et les personnes elles-mêmes, selon des prescriptions hiérarchiques. Aujour- d'hui encore, beaucoup de peuplades sauvages, les Peaux-Rouges notamment, n'ont pas, sur ce point, des goûts différents de ceux des premiers Grecs, et ils nous représentent tout à fait l'aspect des héros de l'époque archaïque grecque. En observant l'art des Peaux- Rouges, comme celui de toutes les races d'hommes à leurs commencements, on pourra concevoir ce qu'a être Tarchaïsme grec et le représenter dans toute sa candeur et sa farouche énergie. Ce qui a fait la supério- rité des Grecs sur tous les autres peuples, c'est peut-être d'avoir été les plus fidèles à leurs traditions, d'avoir conservé intact leur goût primitif, de l'avoir épuré seulement, sans le transformer jamais.

M. Cordonnier, qui est l'auteur de Thôtel de ville de Loos, d'un beau projet de façade pour la cathédrale de Milan, de bien d'autres œuvres éminemment artistiques, s'est surpassé dans son Palais de la Bourse pour Amsterdam. Le plan est parfait. Il est impossible de mieux satisfaire aux exigences d'un programme. Les façades, en granit et en brique, sont traitées avec une maestria et une élégance extraordinaires, dans le style qui prévaut en Hollande; le portique qui longe une des promenades les plus fréquentées de la ville et le beffroi qui se dresse en point de vue à l'extrémité d'un grand canal, sont parfaitement motivés. M. Marbeau propose de construire à Alger, sur l'îlot Algefna, un casino avec pont-promenade. Sa compo- sition a des qualités, bien que, dans son ensemble, elle soit une sorte de turquerie rappelant quelque peu les bains Deligny. M. Tissandier a fait en ballon, à pied, à cheval et autrement, plusieurs fois le tour du monde ; dans un de ses derniers voyages il a exécuté, d'après des monuments de l'Inde, de la Chine et du Japon, des des- sins d'un grand intérêt, mais d'une facture monotone. La couleur les rehausserait heureusement et compléterait l'impression de ces archi- tectures où la polychromie remplit un des premiers rôles. Le Palais du Sénat roumain., à Bucharest^ de M. Marcel, est un beau projet. L'auteur s'est appliqué à composer cet édifice comme on aurait pu le faire du temps de Louis XVI. Cette singulière préoccupation lui a fait réunir et souder entre eux de nombreux motifs connus ; elle met surtout en évidence son grand talent de dessinateur, souple et gra- cieux. M. Berthe a composé, dans le goût d'il y a vingt ans, un paq^

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neau décoratif. C'est en véritable artiste que M. Yperman a reproduit les peintures murales dçs églises d'Ébreuil et de Saint-Sauveur. M. Lafargue a relevé et restauré le château de Josselin, dans le Morbihan, bel édifice du xv** siècle, construit en granit ; il Ta traité avec une parfaite connaissance et un très juste sentiment du style de Tépoque et de la contrée.

Du temple de la Victoire Aptère, dont la polychromie fut puis- sante, violente même, comme celle des plus magnifiques vitraux du xni* siècle, M. d'Espouy a fait un édicule gris et lilas-clair ; ce n'est point évidemment une étude complète du monument, et il le montre bien en appelant Souvenir de Grèce, son œuvre qui n'est pas une restauration, mais seulement une rêverie légère, jolie et opaline. Il fait mieux voir son érudition et son art dans sa restauration de la basilique de Constantin, à Rome; le sujet, en soi fort ingrat, est devenu séduisant sous le pinceau de M. d'Espouy, grâce à une colo- ration très rare, riche et harmonieuse dans des tons noirs. Les faça- des, sunout celle qui borde la Voie Sacrée, paraissent tristes et il manque un document important, le détail du chapiteau corinthien de la grande colonne qui fut transportée auprès delà basilique de Sainte- Marie-Majeure. M. Chedanne a tourné le règlement de l'Académie de France à Rome, en mesurant le chapiteau dorique du Tabularium plutôt que de restaurer un des quatre ou cinq chapiteaux romains qui sont justement célèbres. C'est un de ces bons tours que leurs auteurs regrettent parfois d'avoir joué : non seulement ils ont employé leur temps à un travail puéril, mais ils ont laissé échapper l'occasion de faire une étude utile. Le second envoi de M. Chedanne est rendu habilement, précieusement. C'est une copie de gracieuses sculptures, mais d'un art peu élevé et peu expressif. L'hôtel et les maisons à loyer de M. Escalier sont largement, grandement composés et représentés en des dessins qui ont Taspect de belles eaux-fortes. M. Ollivier expose quelques aquarelles pâlottes. M. François Roussel a lavé dans des tons jaunâtres un projet de restauration de la porte Tournisienne, à Valenciennes. M. Paul Normand a mesuré une jolie porte de ville de style Louis XVI ; c'est la porte de France à Belfort, récemment démolie. Les dessins de M. Boussac montrent bien que la sincérité est supérieure à l'habileté la plus consommée, car le relevé du tom- beau d'Auna, intendant d'un Hérode égyptien de la XVIIP dynastie,

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est d'une poésie attachante. L'aquarelle de M. Larche a des tons lourds et sans solidité. M. Deverin a dessiné très bien un clocher du xn« siècle, un petit château et une fontaine du xvi«. M. Gaïda repro- duit, dans tous leurs détails, des peintures du xv« siècle, découvertes, il y a deux ans, dans l'église de Cahors : le martyre de saint Etienne et les prophètes sont représentés en des figures raides, de tons trans- parents et d'un caractère vague. Le dessin qu'a fait M. Defrasse, d'après un tombeau du style de la Renaissance italienne, est si haut juché qu'on ne le voit qu'à grand'peine ; ce qu'on en peut distinguer est d'une facture large et artistique. Au-dessous, sur la cimaise, sont quelques croquis de voyage, par M. Paulme.

M. Bruneau présente un projet de théâtre lyrique dont le plan res- semble à celui de TOpéra de Paris auquel on aurait fait subir une forte pression pour arriver à le tasser : le parterre de la salle de spectacle est de plain-pied avec l'extérieur du bâtiment; l'escalier principal, sur le grand axe, entre la salle de spectacle et le vesti- bule d'entrée, est inutile et embarrasse la circulation. L'intérêt de l'œuvre de M. Bruneau est dans la tendance moderniste des éléva- tions. En façade, une poutre rigide, en fer, est posée sur le sommet de deux pylônes en maçonnerie : c'est fort bien ; mais l'architecte n'a pas tiré de ce beau motif toutes les conséquences qu'il comportait : cette poutre, capable de tout porter, même le plafond du rez-de- chaussée, ne porte qu'un chéneau en pierre et une mince toiture; il est vrai qu'elle franchit un large espace occupé par une belle et curieuse verrière. Au rez-de-chaussée, il y a de nombreux points d'appui qu'un véritable moderniste eût tous évités. Le style est des plus composites : des colonnes romanes supportent une marquise qui n'a que faire de ces béquilles; des poutres sont arquées pour ne franchir que de petites distances ; des ornements d'origine romaine voisinent avec nombre de cartouches vides. Dans son ensemble, le théâtre de M. Bruneau a les proportions de ceux que l'on s'obstine à construire toujours pareils; cependant la tendance vers un art nou- veau, si peu accusée qu'elle soit, mérite d'être encouragée.

M. Breffendille fait admirablement et à la main, la photographie en couleurs! Il dessine, il modèle au mieux, mais plus ses copies sont parfaites, plus on souffre à les voir en songeant au procédé, et au temps qu'il a employé. M. Umbdenstock a esquissé un petit château

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Louis XIII dont le rez-de-chaussée, qui est au niveau du sol, devrait être surélevé. Les copies de M. Honoré, d'après des monuments de Pise et de Sienne, manquent de finesse et de distinction. M. Ridel a bien reproduit la maison du Grand-Veneur, à Laval. M. Roisin a copié, au Trocadéro, un moulage dont Toriginal est à Toulon. M. Tussau a fait, de sa fenêtre, une aquarelle pittoresque. M. Libau- dière a très bien composé le cachet de la Société des architectes du Poitou et de la Saintonge ; il y a représenté des monuments de la région. Un plafond^ par M. Hourlier, est une décoration qui n'a d'in- téressant que le détail. M. Hannotin a composé, dan§ le style du com- mencement du xvu* sièele, un projet de rendez-vous de chasse : c'est un exercice archéologique l'auteur fait un bizarre emploi d'un talent très réel. M. Wolf a copié, sans entrain, la belle porte délia Caria à Venise, et il a restauré tristement le nymphée de la villa d'Adrien, celui-là même qui naguère inspirait à M. Esquié une des plus délicates et charmantes restaurations qu'on ait pu admirer aux Salons d'architecture.

M. Tropey-Bailly a construit à Champrosay une grande villa vrai- ment champêtre, dans le style anglais dit de la reine Anne, style très pittoresque qui vient de chasser et de reléguer au pays des vieilles lunes le genre normand, déjà démodé. Dans cette œuvre, il y a de l'invention ; le vestibule qui monte deux étages et la cheminée monumentale qui en occupe une paroi sont particulièrement remar- quables. M. Louis Parent a construit à Paris un hôtel dans le goût du xvm^ siècle, qui lui fait grand honneur; les deux cheminées, l'une monochrome, l'autre polychrome, exposées par le même auteur, n'ont vraiment pas l'aspect d'œuvres d'art. M. Suasso a relevé et très bien reproduit l'église d'Angicourt, édifice de mince intérêt. Parmi les nombreux croquis de voyage de M. Conin, on remarque un café mau- resque et une chapelle de Saint-Marc, à Venise. De M. Wable deux grands ouvrages : un palais des Arts décoratifs qu'il propose de bâtir sur remplacement de l'ancienne Cour des comptes, et un projet de restauration du manoir de Courboyer, construit aux xv® et xvi® siècles. Dans le palais, la communication au-dessous des volées de l'escalier peut être critiquée ainsi que les deux cours vitrées dont les parois, ^n fer, sont pour Tune de style gothique et pour l'autre de style oiauresque ; les façades ont des arcs surbaissés, des arcs de plein

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cintre, d'autres encore en anse de panier ; un atrium et un cloître sont les meilleurs morceaux de cet ouvrage. Le manoir de Courboyer est une construction aux vives silhouettes, puissante sans lourdeur, élégante avec simplicité; l'étude qu'en a faite M. Wable est très complète. L'une des aquarelles de M. Caillet représente bien, et dans Tair, l'église Saint-Jean, à Troyes. La cheminée décorative construite par M. Naudet est très étudiée, mais dans le goût déjà bien vieilli de quelque-unes des maisons bâties au boulevard Sébastopol, lors du percement ; les profils sont extrêmement durs et secs, les ornements paraissent en tôle découpée, l'ensemble est autant néo-grec que néo- gothique. M. Rey présente un projet d'hôtel genre xvm" siècle : la corniche supérieure a de vilains modillons, les baies sont arquées différemment, de trop petites colonnes supportent une marquise qu'on voudrait voir simplement scellée dans la pierre ; mais l'ensem- ble est joli. M. Ghesquier a un beau dessin du beffroi de Tournai. La salle de l'Éden-Théâtre était d'un bel et original parti, et voilà que son auteur, M. Schmit, est contraint, hélas ! de la transformer en une salle banale. Comme de coutume, M. Labreux nous montre de charmantes décorations d'une art familier, un peu bourgeois. M. Lépouzé a-t-il songé aux martyrs de Septembre en faisant sculpter des palmes sur le socle delà statue de Danton ? Le relevé de M. Bouc- ton ressemble, de loin, à une photographie tirée très noire. M. Soughton a fort bien copié une loggia de la Renaissance française et M. Sirot a fait de nombreuses aquarelles où, d'architecture, il n'est pas trop question. M. Ollivier n'a pas composer loin de l'École des Beaux-arts son projet de bibliothèque. M. Sergent s'est donné beaucoup de mal pour faire une monographie de l'église Saint-Gervais et M. Simon s'en est donné davantage pour représenter l'abbaye de Lessay. M. Saintier a construit dans le genre normand, une jolie villa, bien étudiée ; l'ajustement des toitures et celui des cheminées en sont remarquables.

C'est à Suresnes sans doute que M. Booney conçut sa restauration de la porte d'Adrien qu'on voit à Athènes. Deux projets d'hôtels de ville : dans celui de M. Bevière la partie haute du beffroi intéresse le plus ; dans celui de M. Pottier, l'ensemble est bon, mais n'a rien de particulier. Ce qui est le mieux rendu dans la vue perspective du palais algérien de M. Darbéda, est un petit Bédouin à la gouache fait

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de chic. Parmi les aquarelles représentant la mosquée de Sidi Abder- Haman, toutes copiées du même endroit ou peut-être d'après le même cliché photographique, celle de M, Duquesne est la meilleure. Les croquis d'étude de M. Boutier sont gracieux. Une Fi7/^, par M. Bury, paraît l'ouvrage d'un décorateur, plutôt que d'un architecte. Dans ses Portes à Montferrand^ M. Chassaigne n'a-t-il pas copié deux peiiies photographies ? L'an passé, M. Rouillard obtenait au Salon un grand et légitime succès d'artiste ; cette année, il expose une com- position originale, un Vitrail pour Véglise de Châlons-sur-Marne^ mais ce châssis est perché si haut qu'on n'en distingue riefl.

A Nancy où, sur une photographie, M. Berger a copié une curieuse fontaine, M. Adelgeist expose la façade d'une maison de location ; les plans et les coupes sont ailleurs. Un Jubé^ par M. Baudry, ressemble à un projet d'écolier : beaucoup de cartouches et d'écussons vides. M. Bigaux a composé la décoration d'un foyer de théâtre inspiré par quelque médiocre édition de Vignole, ou de Palladio. M. Armand a-t-il relevé le théâtre antique d'Arles d'après un de ces modèles en liège qu'on voit dans certaines collections ? Une Sépulture^ par M. Pinho,est une bonne composition et surtout un charmant rendu. M. Bodin a exécuté d'excellents dessins d'après des pièces de marquet- terie et d'orfèvrerie ; ceux de ses ouvrages qui appartiennent à l'ar- chitecture, sont sans valeur et d'une couleur attristante. MM. Belesta et Pillette ont fait en collaboration un projet de musée fort compli- qué. M. Bourgeois signe «architecte médaillé» : tous nos compli- ments! L'envoi de M. Tronchet est un des meilleurs de ce Salon, mais c'est une composition, une intruse, paraît-il, dans la foule des copies. Si l'auteur avait lavé gauchement un bon-dieu de bois ou un saint de buis d'après quelque vieille fresque découverte à Saint- Flour, s'il avait copié, en Italie, quelque sac de noix représentant un évêque momifié, sans doute une seconde médaille, pour le moins, eût récom- pensé son ardeur à ne rien inventer, sa prudence et son effacement ; mais M. Tronchet a fait œuvre d'architecte, il a combiné un plan sensé et joli, il a bien exprimé son sujet, un Eden; sa construction est franche, son style moderne : aussi M. Tronchet n'a-t-il pas eu de médaille. Cest fâcheux, mais cela vaut mieux que d'avoir obtenu une récompense en copiant des bons-dieux de